Chronique d'une mort annoncée ?

30/03/2015 16:10

Insectes pollinisateurs: la chronique d'une mort annoncée ?

Le déclin des abeilles s'accentue en Europe comme le montre le résultat d'une enquête publié l'an dernier par l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement ). Quelles sont les raisons de cette hécatombe et comment y remédier ?


 

L'Union Nationale de l'Apiculture Française( UNAF) dresse un bilan alarmant des récoltes de miel pour 2014. En 1995, la production était d’environ 32 000 tonnes. Pour 2014, la production est en-dessous de 10 000 tonnes. Un constat qui confirme les résultats de l'enquête de l'ANSES sur la chûte généralisée des abeilles notamment dans les pays du Nord de l'Europe mais qui toutefois reste incomplète. En effet, les études menées ne concernait pas les produits phyto- sanitaires. Pourtant dès 2013, l’Autorité Européenne de sécurité des aliments (EFSA) tirait la sonnette d'alarme sur l'utilisation des pesticides de la famille des "néonicotinoïdes". Sous cette dénomination se trouve des pesticides systémiques, c'est-à-dire, qu'ils sont présent dans et sur la plante tout au long de sa vie et même en l 'absence de ravageurs. On les retrouve non seulement sur toutes les parties: feuilles , tiges, racines, fleurs mais aussi dans le pollen et le nectar.

Bioaccumulation des produits!

Les néonicotinoïdes sont persistants dans l'environnement et peuvent être absorbées par des cultures non -traitées jusqu'à deux ans après leur utilisation à des niveaux toxiques pour les abeilles. Pour les pollinateurs, ces substances agissent sur leur système nerveux, pertubent leur sens de l'orientation et les affaiblissent. Ils déclenchent leur destruction en hiver quand le froid rend nécessaire l'utilisation de leur graisse ou de leur réserve alimentaire. Ainsi , le varroa un parasite des abeilles et le frelon asiatique souvent mis en avant n'ont aucune raison d'ête actif en hiver pas plus que les maladies classiques qui viendraient s'ajouter à cette intoxication chronique. Dans les Pyrénées ou la nature semble plus préservée, les effectifs d'abeilles domestiques sont en chute libre. Pourtant, ici on pratique l’élevage plutôt que l'agriculture intensive et les produits phytosanitaires sont moins utilisées qu'ailleurs. Comment expliquer ces mortalités Sans doute par un effet de la bioaccumulation de tous ces produits utilisés pendant des années présent pour longtemps dans le sol et l'eau .

"Les produits phyto sanitaires sont comme une bombe à retardement" 

Cette déclaration de Stéphane Lefoll le 30 janvier 2015 est une première du genre dans la bouche d'un Ministre de l'Agriculture ,mais elle ne peut masquer l'échec cuisant du premier plan Ecophyto mené par son prédécesseur qui visait à réduire de 50 % le recours sur dix ans aux pesticides. Au contraire, ils ont augmenté de 9,2% en 2013. La France reste le 3 e consommateur mondial de pesticide et le 1er en Europe. L’objectif du Grenelle de l 'Environnement qui devait permettre de baisser la consommation de pesticides à 50% en 2020 est ramené à 2025 avec un pallier de 25% en 2020. Mais on peut se demander de quelle manière notre pays obtiendra ce résultat? Certes, il devrait y avoir une contrainte financière pour les distributeurs de produits phytosanitaire qui dépasse un quota, mais cela sera -t il suffisant? On peut en douter car depuis un demi -siècle c'est le modèle de l'agriculture industrielle qui prédomine aussi bien dans les lycées agricoles et que dans les chambres d'agricultures aidée en cela par l'influence de la FNSEA (syndicat agricole majoritaire défendant le modèle agro-industriel) et l'UIPP (union des fabricants de pesticides) qui prétendent contre toute raison que les pesticides ne seraient dangereux ni pour les abeilles ni pour l'environnement .

Ce que dit la législation Européenne

Officiellement, les 3 pesticides les plus dangereux devront être interdits pour une durée-test de deux ans à l'issue de laquelle les autorités sanitaires décideront s'il faut ou non interdire définitivement les néonicotinoides. «Mais en réalité ils seront interdits seulement quelques mois par an... et largement utilisés tout le reste de l'année, souligne de son côté"le syndicat de la Confédération Paysanne " soit près de 85% des céréales semées en France, environ 5 millions d’hectares traitées avec ces pesticides.» Autre paradoxe, les traitements par pulvérisation après floraison sont également exclus du règlement européen. En France, rien que pour les céréales à paille, plus de deux millions d'hectares sont ainsi traités avec l'imidaclopride de la famille des néonicotinoides. Or, les semis d'automne s'effectuent à la période critique où les abeilles constituent leurs réserves.

Un effet cocktail à prendre en compte !

Le développement technologique dont l’enrobage des semences (traitement permanent) correspond à la période de déclin des abeilles au milieu des années 1990. Aujourd’hui, les céréales d'hiver peuvent encore être enrobées de néonicotinoïdes. Les semences mutées de colza qui arrivent sur le marché vont présenter une menace supplémentaire pour les essaims. (cultures de tournesol et colza). L’environnement téléphonique, les ondes GSM, 3G et wifi provoquent une électro-sensibilité chez l’abeille en la perturbant. Les interactions entre ces différents facteurs amplifient fortement leurs effets sur les abeilles sans oublier l’appauvrissement de leurs ressources alimentaires :fleurs des champs et des haies qui disparaissent des bords de routes et des chemins.

Pourtant des alternatives existent!

D'après l'INRA,( Institut National de la Recherche Agronomique) on pourrait réduire rapidement la consommation de pesticides en France de 30 à 40 % sans aucune perte de revenus pour les agriculteurs en revenant simplement à un système de rotation des cultures qui permettrait de combattre efficacement les parasites tout en réduisant durablement l'usage des traitements chimiques. Il faudrait planter des haies bocagères et laisser la place à la flore des champs en bordure des surfaces cultivées . Des alternatives simples et économiques existent, comme le prouvent dans la durée les utilisateurs de préparations naturelles et les agriculteurs biologiques. En Italie , par exemple la suppression des traitements de semences avec ces insecticides systémiques et les résultats obtenus (baisse de la mortalité des ruches de 37,5% à 15% ) a permis le maintien des rendements de production de maïs et une diminution importante des maladies. Faut- il le rappeler 35% de la production mondiale de nourriture est liée aux abeilles domestiques ,aux centaines d'espèces d' abeilles sauvages aux les bourdons aux guêpes et papillons … Les protéger c'est défendre à coup sûr l'avenir de notre espèce.

Myriam Goldminc