Jours heureux sur l’île de la Désolation...je sais cela laisse un goût d'inachevé, j’essaierai bientôt de vous donner la suite.

01/03/2013 23:07

Les Kerguelen, une vue de l’esprit...

Jours heureux sur l’île de la Désolation

Partir pour l’Antarctique et y vivre loin de toute agitation relève du voyage idéal... Mais la réalité est moins romantique : en ces lieux austères aux paysages d’une infinie beauté règnent les impératifs nombreux des autorités françaises de la métropole. Et les poètes n’ont guère le temps de rêver.

par Klavdij Sluban, mars 2013
APERÇU

Si Mr Wordsworth, échoué avec le Strathmore dans la nuit du 2 juillet 1875 sur un de ces rochers en bordure du monde, se nourrissait essentiellement d’albatros cuits qu’il assaisonnait avec de la poudre à fusil, les modes de vie ont bien changé depuis lors sur les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Tandis que, pour le naufragé anglais, « faire un rêve était comme recevoir une lettre par la poste  », le voyageur contemporain pourra rester connecté avec le reste du monde via Internet, malgré les trois mille kilomètres qui le séparent de la terre habitée la plus proche. A très faible débit, soit, mais connecté. Il aura aussi droit à trois repas par jour, à heure fixe, d’une durée d’une demi-heure, et pas une minute de plus. C’est que, depuis 1950, les îles Kerguelen sont dotées d’une base permanente à PAF (Port-aux-Français). A défaut d’y habiter, scientifiques, militaires et logisticiens y séjournent un an, voire un an et demi.

Pour qui est insensible au charme des conteneurs, baraquements et autres préfabriqués Fillod négligemment éparpillés à travers la « capitale », cette vision condensée de la civilisation locale après deux semaines de traversée sur l’océan Indien peut couper net toute velléité de s’en aller prendre langue avec des autochtones éphémères et guère indigènes. Parti de La Réunion à bord du Marion-Dufresne, le voyageur est arraché à son abîme de liquidité d’un vol sec d’hélicoptère incongru. La notion du temps s’était estompée pour définitivement se noyer en ce point de démarcation où le bleu tropical de l’océan a viré au marron subantarctique. Bienvenue au pays des contradictions et de l’anachronisme, quelque part entre les 40es rugissants et les 50es hurlants sur une île — une vraie, puisque l’archipel volcanique composé de quelque trois cents îles, îlots et îlets n’a jamais été en contact avec un continent.

Il arrivait que, contemplant du bateau le paysage, des Réunionnais contractuels chargés de l’infrastructure, les « réus » ou « infras », décident in extremis de retrouver leur île (...)

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Retrouvez la version intégrale de cet article dans Le Monde diplomatique de mars 2013, actuellement en kiosques, et dans l’édition électronique.

Klavdij Sluban

Lauréat de la première résidence de création lancée par la direction des affaires culturelles de l’océan Indien et l’administration supérieure des Terres australes et antarctiques françaises, l’« Atelier des ailleurs », le photographe Klavdij Sluban a séjourné trois mois aux îles Kerguelen lors de la 62e mission scientifique.