Le changement climatique fait bouger le pôle 

 

Même si nous ne le sentons pas, la Terre est une toupie un peu folle. Non seulement elle tourne sur elle-même, mais son axe de rotation n'est pas fixe et, tel un gyroscope, il oscille au fil du temps, influencé par l'attraction conjuguée du Soleil et de la Lune. Ces phénomènes sont bien connus des astronomes qui leur ont donné les noms de "précession des équinoxes" et de "nutation". Concrètement, ils se traduisent par le fait que l'étoile Polaire change au cours des millénaires. Aujourd'hui, il s'agit de l'étoile alpha de la Petite Ourse mais, il y a cinq mille ans, nos lointains ancêtres visaient l'étoile alpha de la constellation du Dragon (voisine) pour repérer le nord. Et, dans vingt siècles, c'est au sein de la constellation de Céphée que l'on cherchera l'étoile Polaire.

La conséquence terrestre de tous ces phénomènes est le déplacement prévisible du pôle Nord géographique (à ne pas confondre avec le pôle Nord magnétique, qui bouge bien plus rapidement). Grâce à plusieurs systèmes et notamment au réseau de satellites GPS, on est d'ailleurs capable de déterminer la position du pôle au millimètre près. Mais depuis 2005, quelque chose ne va plus au pays des ours blancs. Alors que le pôle Nord dérivait doucement d'environ 6 centimètres par an en direction du nord du Labrador, il a, à cette date, bifurqué vers l'est, pointant désormais vers le Groenland. Surtout, son déplacement s'est sensiblement accéléré, puisque la vitesse est passée à 27 centimètres annuels.

Et c'est vers le réchauffement climatique, déjà accusé de bien d'autres maux, qu'il faut se tourner pour trouver la cause de ce changement de cap et de cette étonnante accélération. Pour le déterminer, une équipe américano-chinoise, dont l'étude paraîtra prochainement dans les Geophysical Research Letterss'est appuyée sur les données de GRACE (Gravity Recovery And Climate Experiment), un duo de satellites mesurant les variations du champ gravitationnel terrestre et par conséquent celles de la répartition des masses sur notre planète. En effet, la distribution des masses à la surface de la Terre joue sur la rotation de celle-ci et donc sur la position des pôles. Si le rapport avec le climat vous échappe, il vous fautpenser à l'eau. L'eau qui se déplace en permanence dans l'atmosphère, l'eau qui est temporairement stockée dans les sols, l'eau qui, sous forme solide, compose les glaciers de montagne et, surtout, les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique. Lorsque ces inlandsis fondent, ce qui est surtout le cas du Groenland, GRACE observe un transfert des masses.

Ce transfert correspond-il au brusque changement de cap du pôle Nord depuis 2005 ? D'après les auteurs de l'étude, cela ne fait guère de doute. Pour eux, 90 % du phénomène est imputable aux fontes des glaces et à la nouvelle répartition des masses d'eau qui s'ensuit, c'est-à-dire à la montée des océans. Rappelons que la décennie 2001-2010 a été la plus chaude jamais enregistrée depuis le début des relevés météorologiques. De plus, que le pôle Nord ait mis le cap vers le Groenland n'est pas étonnant selon le géophysicien de la NASA Erik Ivins, consulté par le site Internet de Nature : si l'on enlève de la masse à une sphère qui tourne, l'axe de rotation aura tendance à pointer vers l'endroit où a eu lieu la perte. Or le Groenland est le recordman mondial du régime puisqu'on estime qu'entre 1992 et 2011 il a perdu en moyenne 142 milliards de tonnes de glace chaque année. D'après Jianli Chen, un des auteurs de l'étude, le déplacement des pôles géographiques pourrait donc venir étoffer l'arsenal des indicateurs de fonte des calottes glaciaires.

 Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

Post-scriptum : ce vendredi 17 mai, je participerai à l'émission de Mathieu Vidard, la Tête au carré, pour parler de mes chroniques de science improbable. C'est à 14 heures, sur les ondes de France Inter.

 
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23 commentaires à Le changement climatique fait bouger le pôle Nord

  1. Permettez-moi de préciser vos propos :
    Le déplacement de la position du pôle sur la surface de la terre est bien influencé par la répartition des masses d’eau sur la terre, comme d’ailleurs de toutes les masses composant la terre, mais cela n’a pas de relation avec l’influence de la lune et du soleil sur la direction de l’axe de rotation de la terre (précession et nutation en particulier).
    Cordialement!

    Rédigé par : Christian Waterkeyn | le 16 mai 2013 à 9 h 37 min | Répondre | Alerter |
  2. Petite question, il y a t-il des études sur les variations que la fonte des glaces provoque sur les plaques tectoniques, et donc, les variations de puissance ou de position géographique des tremblements de terre ?

    Rédigé par : Petite-question | le 16 mai 2013 à 9 h 42 min | Répondre | Alerter |
    • La fonte des glaces réduit l’enfoncement des plaques ainsi allégées. Par exemple, au Spitzberg d’anciennes plages de galet se retrouvent perchées à cent mètres d’altitude quelques siècles après la fusion des calottes glaciaires. Ce déplacement vertical peut provoquer localement de petits séismes ; mais il n’est pas lié à la tectonique des plaques, qui découle des mouvements du manteau terrestre sur une profondeur de plusieurs centaines de kilomètres.

      Rédigé par : Ramsès | le 16 mai 2013 à 10 h 40 min | Répondre | Alerter |
      • ………..et donc changement de répartition des masses donc variation du moment d’inertie d’où influence sur la vitesse angulaire puis changement de la durée du jour et justification (ou infirmation, j’ai pas fais le calcul) de la loi sur les 35 heures:)

        Rédigé par : Guitou | le 16 mai 2013 à 11 h 29 min | Répondre | Alerter |
  3. On parle beaucoup du réchauffement climatique mais on est toujours au moins de Mai et il fait très froid !!

    Rédigé par : lebeaugossedu28 | le 16 mai 2013 à 9 h 45 min | Répondre | Alerter |
    • Le réchauffement climatique veut dire qu’en moyenne sur le globe la température s’élève. Cela ne signifie absolument pas que dans tous les pays, à n’importe quel moment la température sera plus élevée.

      Au contraire même, le réchauffement climatique implique que l’augmentation de la température sur certains parties du globe entraîne une modification des climats et donc des baisses de températures à certains endroits.

      Donc le réchauffement climatique peut entraîner en France soit une hausse, soit une baisse des températures et cette évolution doit être mesurée sur plusieurs années.

      Dans les faits, en France c’est manifestement un réchauffement qui est observé à partir des années 1990. Avant, on alternait une ou plusieurs années chaudes puis une ou plusieurs années froides. Depuis 1990, on alterne les années plus chaudes et les années beaucoup plus chaudes.

      https://goo.gl/Ypf1g

      Rédigé par : Tub | le 16 mai 2013 à 10 h 02 min | Répondre | Alerter |
    • Attention, ne pas confondre climat et météorologie. Les échelles de temps et d’espace ne sont pas les mêmes. Le réchauffement climatique se fait sur du long terme et de façon globale sur la planète, mais cela n’empêche pas au jour le jour, et localement, d’avoir de grande variation de temperature. Donc même s’il fait froid au mois de Mai, la temperature moyenne sur l’année est quand même plus grande que lors des décennies précédentes.

      Rédigé par : Attention | le 16 mai 2013 à 10 h 05 min | Répondre | Alerter |
    • C’est cohérent avec le contenu de l’article.
      Pour nous (hémisphère nord) le moi de mai correspond à la saison (théoriquement) chaude. Par contre pour l’hémisphère sud c’est la saison froide qui s’annonce.
      Donc en fait le déplacement du pôle est bien plus important que ce qu’on voudrait nous faire croire pour ne pas nous alarmer.
      En réalité nous sommes en train de devenir l’hémisphère sud avec évidemment le climat qui va avec comme vous pouvez le constater.
      Apprêtez-vous à partir au ski au mois d’aout et à décorer le sapin de noël avec des étoiles de mer, des oursins et des algues.

      Rédigé par : Gérard Manvussa | le 16 mai 2013 à 10 h 09 min | Répondre | Alerter |
    • Vous confondez climatologie et météorologie. Le réchauffement climatique correspond à une moyenne sur la globalité de la planète. Là, vous nous parlez d’un accident météorologique momentané dans un petit pays (géographiquement parlant).
      Par ailleurs, il faut savoir que, depuis 2012, les fameuses « normales saisonnières » auxquelles se réfère MétéoFrance sont une moyenne des températures de la période 1981-2010, soit la période pendant laquelle le réchauffement s’est le plus exprimé ! Il y a en moyenne un degré de plus par rapport aux précédentes valeurs.

      Rédigé par : Blutch | le 16 mai 2013 à 10 h 12 min | Répondre | Alerter |
      • j’ai l’impression que les contributeurs n’ont pas tous le même sens de l’humour. Gerad manvussa et le beau gosse du 28 vous font marcher et vous courrez !

        Rédigé par : frakemus | le 16 mai 2013 à 10 h 49 min | Répondre | Alerter |
    • c’est parce qu’il ne faut pas confondre climat et météo.
      le climat se définit de manière globale (à l’échelle de la planète) et/ou sur de longues période, en général 30 ans glissants (à l’échelle d’une région). on s’aperçoit que ce climat, sur des périodes de 30 ans successives, se réchauffe un peu partout sur le globe, et plus ou moins rapidement en fonction des endroits.
      la météo se définit de manière locale et sur des pas de temps très courts. il pleut, il neige, il vente, il fait beau, froid, chaud…
      dans les bulletins météo, on vous parle de météo, et on compare cette météo à des moyennes qui elles font référence au climat.
      et rien n’empêche qu’à un endroit donné, en l’occurence la France, puisque vous regardez votre nombril, et dans un contexte de réchauffement global, il fasse un peu frais à une période où en moyenne il fait plus doux, où que l’on ait un printemps pourri.
      ne vous inquiétez pas, malgré que chez vous il pleuve ou que votre mois de mai vous ait l’air un peu frisquet, le climat de la France s’est réchauffé considérablement depuis le siècle dernier, et il continue à le faire.
      et il y a de fortes chances que les épisodes de froid continueront à faire leur apparition, même au printemps…
      mais vous vous plaindrez de plus en plus souvent de la chaleur, de la sécheresse, des inondations, et de cette impression qu’il n’y a plus de saisons…

      Rédigé par : Boblafrite | le 16 mai 2013 à 10 h 15 min | Répondre | Alerter |
    • Beaucoup se refusent encore à regarder en face les changements climatiques. Mais, avec le réchauffement anthropique (dû à l’homme), les glaces fondent au pôle nord entraînant des masses d’air froid qui descendent vers l’Europe – ce que les météorologues appellent les « gouttes froides ». Depuis fin 2012, on en est à la énième « goutte froide ». Au lieu des habituelles arrivées maritimes par l’ouest, qui arrosent le nord de la France et épargnent le pourtour méditerranéen, ces « gouttes froides », en descendant vers l’Europe, rencontrent les masses d’air chaud en provenance d’Afrique et stagnent au-dessus de la Méditerranée, en particulier, et de la France, en général. Et là, suivant les températures, on a de la neige ou de la pluie. Sinon, oui, il existe bel et bien un réchauffement anthropique artificiel (causé par l’Homme) qui provoque la fonte des glaces au pôle mais qui vient s’opposer à un cycle, lui naturel, de refroidissement. D’où les changements et les contrastes climatiques importants auxquels on assiste depuis maintenant des dizaines d’années : plus de tout, plus d’épisodes pluvieux, venteux, neigeux mais aussi plus d’épisodes de sécheresse.

      Rédigé par : Quel temps, docteur ? | le 16 mai 2013 à 11 h 25 min | Répondre | Alerter |
  4. AUTRE QUESTION: Quelle influence sur le climat de l’Europe cela peut-il entraîner? un refroidissement transitoire? une modification des courants marins notamment du Gulf Stream?

    Rédigé par : Pierre K | le 16 mai 2013 à 9 h 53 min | Répondre | Alerter |
    • Sachons relativiser les choses : le déplacement de quelques décimètres du pôle Nord, chaque année, ne bouleversera rien à l’échelle d’une planète qui fait plus de 6 000 km de rayon. Dans ce cas précis, il ne faut pas vraiment s’intéresser à la conséquence de la conséquence, mais plutôt à la cause première, c’est-à-dire aux émissions de gaz à effet de serre qui alimentent le réchauffement climatique. Ce qui est frappant dans cette information, c’est de voir que le changement climatique joue (certes faiblement mais de manière détectable quand même) sur un facteur géophysique aussi fondamental que l’axe de rotation de la Terre.

    • pierre k,connaisez vous la theorie du refroidissement repris dans le film le jour d’apres?
      un rechauffemebnt climatique peut entrainer un refroidissemment et un arret du Gulf stream ce qui plongerait l’Europe dans un climat type Alaska…

      Cela s’est deja produit par le passe,cela se repoduira,a titre exemple Eric le le Rouge qui decouvrit le Groenland,lui donna ce nom qui veut dire en finlandais « terre verte »,cela donne une idee de comment ete cette terre il y a a peine quelques centaines d’annees…

      Rédigé par : romain | le 16 mai 2013 à 10 h 36 min | Répondre | Alerter |
      • Erik le rouge etait Norvegine il me semble et devait parler vieux scandinave qui n’a rien a voir avec le finlandais.
        Votre exemple est contradictoir. Vous parler de glaciation mais vous donner un exemple de rechauffement.
        En ce qui concerne la couleur du Groenland, certains pensent que c’etait un coup marketing d’Eric le rouge.

        Cordialement.

        Rédigé par : DarkEmir | le 16 mai 2013 à 11 h 00 min | Répondre | Alerter |
  5. Le réchauffement induit des étés plus chauds, et des hivers plus froids.

    Rédigé par : Yarrick | le 16 mai 2013 à 9 h 58 min | Répondre | Alerter |
  6. Tiens! l’improbable retour de la théorie des glissements lithosphériques globaux. Je croyez que cette théorie avait été nonchalamment répudiée par la communauté il y a 60 ans… heureux de voir qu’il n’en est rien, car elle explique bien des choses sur notre planète comme par exemple l’improbable répartition des glaces sur Terre lors de la dernière « ère glaciaire ».

    Rédigé par : nod | le 16 mai 2013 à 9 h 58 min | Répondre | Alerter |
  7. Ca fait peur, en 100 ans on a réussi à bousiller la Terre… Et il y aura encore des néolibéraux qui vont nous sortir que c’est de la propagande écolo :/ Humains = pires parasites de la Terre, et probablement la seule espèce qui s’auto détruira sciemment :x

    Rédigé par : Luca | le 16 mai 2013 à 10 h 35 min | Répondre | Alerter |
  8. Tout ça me donne un peu le tournis:)
    Mais comme vous l’indiquez ce qui est le plus important ce n’est pas tellement l’effet mais la cause et ce record tristement historique de quelques 400 ppm (pour être précis 399.89 ppm) de CO2 dans l’atmosphère mesuré le 9 mai 2013 à l’observatoire Mona Laua (Hawaï).
    Jamais un telle concentration en CO2 dans l’atmosphère n’avait été mesurée ni par l’observation directe ni dans les méthodes indirectes servant à reconstituer ce taux au cours des siècles.

  9. Enfin, cela ne va pas non plus entraîner l’apocalypse, ce n’est pas la première fois que la Terre se réchauffe au point que les glaces des pôles fondent, bien que cette fois-ci le réchauffement soit probablement plus rapide, mais on peut donc penser qu’un tel déplacement du pôle Nord ait eu déjà lieu.

    Cela dit, je ne serai pas surpris que, puisque contrairement au pôle Nord, la banquise s’étend au pôle Sud, ceci viendrait amplifier ce phénomène.

    Rédigé par : JCaesius | le 16 mai 2013 à 11 h 25 min | Répondre | Alerter |