C'était bien un VOIRLOUP !

01/03/2013 18:58

Le célèbre voirloup du Pays d'Othe

 

Le voirloup est une créature fantastique maléfique et nocturne mentionnée dans le folklore français propre au pays d’Othe. Contrairement à une croyance très répandue, il ne s’agit pas d’une sorte de loup-garou, mais plutôt d’un « cousin » de celui-ci, puisqu'il peut se transformer en d'autres animaux que le loup.

C'est Gabriel Groley, journaliste, historien et conteur talentueux, spécialiste des légendes et du folklore champenois qu'il n'a cessé de collecter jusqu'à sa mort en 1991 à l'âge de 102 ans, qui a revivifié cette légende du voirloup.

Dans son ouvrage "La mystèrieuse forêt d'Othe", imp. Paton en 1976, il relate cette légende. En voici un extrait :

"Le père Vivien, curé de Maraye-en-Othe, fut attaqué par les voirloups alors qu’il traversait le bois de Vire-Loup la nuit, accompagné d’un enfant de chœur qui portait la lanterne et la croix processionnelle. Ils se rendaient à La Perrière afin de porter les derniers sacrements au vieux Balthazar Cornarot qui agonisait. Certaines commères de la paroisse avaient vu la marque d’une tête cornue avec une barbiche en pointe sur le bras gauche de Cornarot mais le curé Vivien ne voulait rien savoir ; les voirloups s’acharnèrent donc sur lui pour l’empêcher de porter les derniers sacrements au vieux qui avait pactisé avec le Diable. Grâce à son courage et des aspersions d’eau bénite, le prêtre arriva au chevet du mourant pour lui administrer le viatique et lui appliquer les huiles saintes. Les voirloups étaient défaits."

Description du voirloup :

 Les voirloups sont à l’origine des hommes ou des femmes aux âmes noires, coupables des sept péchés capitaux et qui se laissent posséder par Satan ou Bélial. Pendant leur période de transformation, ces créatures peuvent prendre la forme de loups, mais aussi de renards, de sangliers, de boucs, ou de chats, en fait, de toutes les bêtes malfaisantes dans la peau desquelles il leur est facile de nuire impunément.

Les voirloups se métamorphosent à minuit, après s’être enduits les membres inférieurs, devant et derrière, avec une mixture nommée l’amalgame (composée de semence humaine obtenue dans les sabbats, du sang nuptial d’une vierge, de la graisse d’un porc tué le vendredi saint, à trois heures de l’après-midi, qui est devenue rance, et d’un filet de bave du Diable). Ils adressent une supplique à Satan et sont recouverts par le pelage de l’animal désiré tout en conservant l’entendement humain.
Ils se promènent dans la forêt de minuit à l’aube sans faire de bruit, égorgent et dépècent les chiens et le bétail et se désaltèrent du sang de leurs victimes. Les voirloups sont généralement solitaires mais ils savent se retrouver pour associer leurs pouvoirs maléfiques. La vue du sang les affole et ils ne se calment qu’en versant le sang à leur tour.
Les voirloups sont souvent invulnérables. Ce sont des adversaires très dangereux pour l’être humain auquel ils s’attaquent ; toutefois, ils ne les tuent pas mais leur sucent parfois lesang comme des vampires. Il est impossible de tuer les voirloups ; en revanche, lorsqu’on les blesse, même s’ils sont insensibles à la douleur et guérissent très vite, ils en conservent toujours des cicatrices. Les yeux du voirloup peuvent allumer la paille ou le fourrage à distance, à flanc de coteau, dans les champs, les granges ou les sinots. Plusieurs témoignages rapportent des feux nocturnes aux environs de Maraye-en-Othe et de Bercenay-en-Othe ; chaque fois, une silhouette furtive et inquiétante, mi-bête mi-homme, se dessinait sur la crête. Les voirloups sont de plus nyctalopes et redoutent les premières lueurs du jour car lorsque le Soleil se lève et que le coq se met à chanter, leur peau animale éclate et ils reprennent forme humaine.
Les voirloups passent leurs journées à épier les mortels pour vérifier qu’on ne dit ni n’écrit rien sur eux.
Ceux qui se risquent à les décrire sous leur forme animale en font connaissance à la nuit tombée. On les piège difficilement ; ils n’ont pas la faculté de jeter des sorts mais les voirloups sont par nature poussés à accomplir le plus de mal possible au nom de Satan. Sous leur forme humaine, ils sont facilement reconnaissables à la tache rougeâtre qu’ils présentent au bas de la colonne vertébrale, ou encore à la fourche à deux dents qui se dessine sur leur épaule gauche.        (cette descrription est tirée de Wikipédia, puis revue et modifiée par nos soins)

 

 Ronnie G. Martin et Alain Richard ont sorti une BD en 1986 qui reprennent cette légende :

 L'intrigue, assez simple, tourne autour de l'existence d'une secte dont les membres se réunissent pour célébrer le culte de l'homme-loup. Le théâtre principal de cette intrigue est le Pays d'Othe, à l'Ouest de Troyes ; et plus précisément le bois de Vire-Loup.

Un "chasseur de voirloups", mandaté par le gouvernement français, vient enquêter sur la vieille légende des voirloups du Pays d'Othe. Ceci n'est pas du tout du goût des membres de la secte des hommes-loups, qui voient en lui un empêcheur de tourner en rond.

Lui tendant diverses embuscades, ils l'envoient par deux fois à l'hôpital. La troisième fois, ils le séquestrent et lui font un procès sommaire à l'issue duquel il se voit condamné à servir de proie lors de la partie de chasse de la fête de la pleine lune. Se libérant de ses liens, il parvient cependant à leur échapper.

Couverture de cette BD


André Beury dans Jeune Champagne en donne une définition différente :

 

 LES ANIMAUX ET CREATURES MYSTERIEUSES
La lycanthropie :
Ce mot fait allusion à un sorcier d’un genre assez spécial : le loup-garou, plus connu dans notre région sous le nom de voirloup. Nous disons bien qu’un genre spécial le caractérise. En effet le sorcier ordinaire se laisse approcher, on peut le voir, le consulter. On l’invoque et il intervient. Du lycanthrope il n’en est pas de même. Il est essentiellement sauvage et fuyant, je dirais même : il est taillé pour la course. On ne fait que « voir le loup », d’où l’expression en usage chez nous : « tu cours comme un voirloup » Ce préambule nécessaire va nous aider à comprendre les deux descriptions qui suivent :
A Bayel et à Lignol un loup garou parcourait souvent les bois, on l’apercevait à la cote des Anges, aux quatre croix du village et ailleurs. Plusieurs fois des métayers et des charbonniers lui avaient donné la chasse, mais ils n’avaient jamais pu le « déhurer ». Quand on croyait le prendre, il se volatilisait. Quelquefois il bondissait par dessus la tête des chasseurs ébahis. Ceux-ci sans doute le tirait, mais les balles ne produisaient pas plus d’effet sur lui que sur un tas de laine. Durant ces courses folles le loup garou ne manquait pas l'occasion de croquer un mouton ou bien de se jeter sur quelque passant isolé. Il disparaissait au premier chant du coq. 
Revenant de la veillée, les bonnes femmes de Géraudot s’étaient pâmées plus d’une fois devant l’apparition du loup garou (bien qu’il ne soit pas enfui à leur approche). Il faut dire qu’à Geraudot, le voirloup spécialiste de l’escamotage des poules et des lapins, ne devait pas se confesser tous les jours. Il avait de nombreux méfaits sur la conscience. Pourtant il trouva son maître : un ancien milicien, un vieux grognard qui n’était pas tombé du ciel à la dernière averse ! Celui-ci décrocha son fusil et courut comme un voirloup. L’autre le voyant de près cria « ne tires pas, je suis Jacquot du Mesnil Saint Père ».

Les voirloups :
On signale des Voirloups dans toutes les contrées champenoises, le plus souvent mi homme mi loup. Créatures du diable, on le retrouve dans la majorités des légendes de notre région. Un bois porte même le nom de Virloup du coté de Moussey. Néanmoins les légendes ont un fond de vérité : Il serait peut-être osé de prétendre que la légende est plus vraie que l’histoire. Aussi pour ne pas encourir l’ire des historiens, nous nous contenterons de dire que es légendes ont un fond de vérité. Ainsi celle du loup garou trouve un fondement réel dans cette frayeur collective inspirée par le loup. Le loup n’est pas un animal imaginaire : qu’on en juge ! ! ! !
Le 8 septembre 1676, pendant la nuit, les loups pénétrèrent dans le village de St Lupien et étranglent 60 moutons à Lupien Nioré.
A Pouan, au mois de septembre 1740, un loup enragé étrangle François Guillaume, mord plusieurs habitants, dévore Marguerite Gibey ainsi qu’un sieur champenois.
Dans une autre circonstance un loup sortit de Dierrey où il fit beaucoup de victimes. 
Le 26 décembre 1774 à 11 heures du soir, il se jeta sur un ouvrier charron d’Estissac qui se défendit vaillamment, mais mourut ensuite de la rage.
Avec de tels exemples connus et de nombreux autres que nous ignorons, la légende du loup garou ou varloup ou voirloup ne sera toujours qu’une légende, mais cependant elle s’établit sur des fondements bien réels. Si nous avions le souci de chercher un élément vrai au point de départ de toutes nos légendes, cela diminuerait singulièrement la naïveté ou l’ignorance dont nous accordons trop généreusement le bénéfice à nos ancêtres.

Les lutins :
La sorcellerie vise particulièrement à amener l’intervention de génies plus ou moins malfaisants. Aussi dans l’ambiance créée par les sorciers se meuvent des esprits follets, créatures animales et malicieuses qu’on dit venir la nuit pour taquiner les hommes. Le plus souvent dans notre région le lutin se singularise par ses grandes oreilles et sa longue queue. Si nous n’avons pas retrouvé de dessin de cette époque représentant ce type de lutin, il est frappant de constater que si certains villages évoquent les lutins comme des esprits follets, pour la grande majorité des autres, ces lutins ont tous en Champagne une queue et des grandes oreilles. Voici quelques anecdotes concernant ces esprits ou animaux bizarres ;
A Maizières La Grande Paroisse, on appelle ces esprits les « arlequins ». Cet arlequin là est un être immatériel qui sous forme de flamme ou de clarté pénètre par le trou des serrures dans les appartements, où il remue quelquefois la vaisselle. Pour le chasser on lui dit :
Arlequin du boudin, Saute culot, du gâteau, Va-t-en !
Et l’arlequin s’en va.
Ces étranges lutins circulent principalement pendant les semaines de l’Avent sous formes diverses qui suivent avec un persistance inquiétante les carrioles le long des haies. Si quelqu’un leur dit d’un air moqueur : « Saute gaillard, t’auras du lard », l’arlequin ne se fait pas prier. Il saute incontinent sur les membres de l’individu, son poids est d’un pesanteur intolérable ; « il fait sang »
Dans les environs de Troyes les Arlequins étaient désignés sous le nom de « Culards » ; ils jouissaient d’une réputation si fâcheuse que l’on disait par terme de comparaison : « celui là il est malin comme un culard ».
Les culards de Vallant Saint Georges ne valent guère mieux que leurs collègues de Troyes. Pendant l’Avent ils courent après le voyageur attardé pour le noyer dans les eaux de l’étang de Bury. A Bayel un lutin domestique était appelé « Fouilletout » à cause de sa curiosité.
Cette singulière créature semble venir de la Haute Marne, puisqu’on le retrouve à Chalindrey. Il travaille la nuit sans lumière au métier de bonneterie ou tissage : souvent le matin on trouve 15 ou 20 aunes de toile ajoutées au rouleau de la veille. Souvent aussi il détruit le travail de la veille mais personne n’ose le troubler. Par corruption le même lutin est appelé « Fouletot » à Lignol. Ce farfadet, habillé tout de rouge entre la nuit dans les écuries et donne à profusion foin et avoine. Surpris de voir ses râteliers remplis et son bétail ramassé, le propriétaire guette souvent le visiteur nocturne, mais c’est bien en vain.

Nous aurions pu continuer ainsi pendant des heures. Le temps ne nous permettra pas de vous parler des fées, du Chasseur Noir, de Mélusine, du Baphomet de la forêt d’Orient ou même de l’étrange Bonnet Vert de Vallant Saint Georges qui circulait plus ou moins mystérieusement sous le couvert du manteau de la cheminée, faisant figure de revenant.
Pour mieux comprendre venez donc de par chez nous. Ah ! que nos forêts et nos chaumières champenoises sont belles et accueillantes ! !
Le jour surtout……

Jean Aimé Beury
Section Recherches
JEUNE CHAMPAGNE
Troyes

Sources : André Beury, articles de l’indépendant de l’Aube février 1951
Histoire de Saint Lupien , M. Jossier
Histoire de Maizières, M. Jamery
Histoire de Vallant St Georges, Ernest Chonlier
Recherches Jeune Champagne