Des images rares d'espèces en eaux profondes mis en danger par la pêche industrielle

20/09/2013 19:29

 

L'interdiction de la pêche en eau

profonde n'est pas pour demain

 

Le poulpe à ventouses lumineuses, "Stauroteuthis syrtensis".

 

Cette fois, Claire Nouvian change de tactique. Pour défendre les habitants des mers profondes, la fondatrice de l'association Bloom sort ses photos de charme : elle dévoile des images rares du régalec signées Jean-Charles Granjon – le plus grand poisson osseux du monde qui peut atteindre jusqu'à 11 mètres – , ainsi que des prises de vue inédites du poulpe à oreilles "Dumbo", qui pond ses œufs sur les coraux de grands fonds. Le premier, Regalecus glesn, dit roi des harengs, serait à l'origine de légendes vouées au serpent de mer. Il vit entre 20 mètres et 1 000 mètres de profondeur. L'homme ne le croise que rarement.

Ce spécimen-ci de régalec a été filmé en ultra haute définition – c'est une première – par la société Saint-Thomas productions, qui a mis ses prises de vue à la disposition de Bloom afin d'appuyer son combat pour les océans. La photo de la pieuvre d'une espèce indéterminée en train d'éclore sur une branche de corail profond est elle-aussi inédite. Quant au gracieux poulpe à ventouses lumineuses, il pourrait aisément devenir une nouvelle mascotte.

 LA FORCE DES IMAGES

 

Oeuf de poulpe sur une branche de corail profond

 

Claire Nouvian a été commissaire de l'exposition "Abysses" au Muséum d'histoire naturelle, consacrée à la faune des grandes profondeurs marines en 2007 ; elle connaît la force des images. Lundi 16 septembre, elle a rassemblé au Grand Palais à Paris, scientifiques, élus, personnalités engagées comme Richard Branson, le fondateur de Virgin, autour de ces espèces emblématiques pourlancer, encore une fois, un appel en faveur des océans et contre la pêche en eau profonde, dont les chaluts raclent les fonds et détruisent les habitats naturels. Ce n'est pas un hasard si cet évènement médiatique a eu lieu à quelques jours de la Conférence environnementale des 20 et 21 septembre.

A priori, la fin du chalutage à plusieurs centaines de mètres de profondeur relève plutôt des instances européennes. En juillet 2012, la commissaire Maria Damanaki avait proposé un règlement qui devait aboutir à restreindre fortement cette pratique d'ici à 2014. Or, depuis, le dossier n'avance pas. Le Parlement européen joue la montre et ne décide rien ; la présidence lituanienne ne l'a même pas inscrit au menu des prochains conseils des ministres de la pêche. Tout semble seconjuguer pour renvoyer l'affaire après les élections européennes. Ou aux calendes grecques.

 

Cliché unique au monde montrant une pieuvre à oreilles "Dumbo" d'une espèce non déterminée en train d'éclore d'un œuf accroché à une branche de corail profond.

 

HORIZON BOUCHÉ À L'ÉCHELON EUROPÉEN

Ce n'est pas parce que l'horizon paraît bien bouché à l'échelon européen que la France n'a pas la possibilité d'agir. En 2011, la Commission européenne n'avait recensé que 11 navires au sein de l'Union qui capturaient des espèces d'eau profonde plus de trois jours dans l'année... dont 9 bateaux français. Claire Nouvian poursuit donc sa croisade contre le chalutage profond et continue de croiser le fer avec la principale flotte de pêche du secteur, la Scapêche.

Le 8 juin, un autre appel lancé par Bloom, publié dans Le Monde, portait la signature de nombreux scientifiques, centres de recherche, d'élus, d'ONG. Depuis, l'association est à l'origine d'une pétition. Dès la nomination de Philippe Martin au ministère de l'écologie, en juillet, Bloom, Greenpeace et quelques autres ONG lui ont écrit pour l'exhorter à tenir les promesses formulées par la France devant la communauté internationale, notamment au cours de la conférence de Rio+20 où elle s'est engagée à "défendre l'intégrité de la biodiversité marine et des écosystèmes marins profonds". Sans véritable réponse jusqu'à présent.