Des plates-formes de glace fondent par en dessous en plus grande quantité que la fonte des icebergs

15/06/2013 19:26

 l'Antarctique fond par en-dessous

Vue en 3 D des glaces de l'Antarctique© Nasa

L’image des icebergs se détachant de la banquise est le signe le plus visible du fait que l’Antarctique perd progressivement de la glace. Mais un autre phénomène entre en jeu : les plates-formes de glace qui prolongent la calotte polaire et flottent au-dessus de l’océan fondent par en-dessous, sous l’effet des courants océaniques chauds. Or, une équipe de glaciologues de l’université de Californie (Irvine), vient de démontrer que le deuxième phénomène est plus important que le premier : 55% de la masse de glace perdue chaque année disparaît à cause de la fonte à la base des plates-formes en contact de l’océan.

L’étude, dirigée par le glaciologue français Eric Rignot, et publiée le 13 juin dans Science, est la première à quantifier précisément le rôle des deux phénomènes. La fonte à la base des plates-formes fait perdre annuellement 1325 milliards de tonnes de glace à la banquise antarctique, les icebergs en retirent 1089 milliards de tonnes annuelles.

Pour parvenir à ce résultat, Rignot et ses collègues ont calculé la masse des plates-formes de glace qui flottent sur l’océan en utilisant des observations radar effectuées par des satellites ou des avions. Ces observations permettent de déterminer localement l’épaisseur de la glace. Les chercheurs ont aussi utilisé les données de la mission Icebridge de la Nasa, une campagne de six ans destinée à surveiller les glaces polaires. Rignot et ses collègues ont également estimé la quantité de neige qui tombe sur l’Antarctique et reconstitue en partie la glace. En combinant toutes ces données, les chercheurs sont parvenus à leur conclusion  qui démontre que les océans jouent un rôle plus important qu’on ne le pensait. Selon Rignot, interrogé dans Nature, les plates-formes agissent comme des freins, endiguant l’écoulement lent des glaces continentales : « Si elles s’amincissent et disparaissent, la glace continentale va accélérer son mouvement vers la mer », résume-t-il.

Les plates-formes sont le prolongement des glaciers qui parviennent au contact de l’océan, eux-mêmes constitué de la neige qui tombe sur le continent. Cependant, d’après Rignot, les glaciers du continent perdent actuellement deux à trois fois plus de masse qu’il ne s’en reforme par les chutes de neige.

Les chercheurs ont calculé que les plates-formes de glace de l’Antarctique  s’amincissent en moyenne de 50 centimètres par an, mais avec de grande disparités : certaines fondent beaucoup plus vite et perdent jusqu’à 100 mètres par an. Environ la moitié de la glace fondue vient d’une dizaine de petites plates-formes qui se trouvent le long de la partie sud-est de la péninsule Antarctique ; une part importante de la fonte vient aussi de six plates-formes situées à l’est du continent. En revanche, les trois plus grandes plates-formes, qui représentent les deux tiers des glaces autour de l’Antarctique, ne sont responsable que de 15 % de la fonte de glace dans l’océan. Et certaines plates-formes sont en état d’équilibre, ou peuvent même s’épaissir.

Cette dynamique contrastée est encore imparfaitement connue. Les résultats de l’étude suggèrent que les interactions entre l’océan et la glace sont mal décrites par les modèles actuels. La fonte des glaces de l’Antarctique n’est pas homogène, elle est concentrée sur quelques « points chauds ». On peut supposer que la glace ne fond pas à cause du réchauffement global de l’eau des océans, mais parce que des modifications de la circulation de l’eau amènent des courants plus chauds en certains endroits du pôle. Ces mécanismes complexes ne sont qu’en partie élucidés. Il est encore trop tôt pour pouvoir prédire le sort futur des glaces de l’Antarctique, et ses conséquences sur le niveau de l’eau des océans et le climat planétaire.