Encore un grand projet inutile, coûteux et dommageable pour l'environnement (Le Monde)

28/10/2014 18:27

Le barrage de Sivens, un symbole de la lutte contre les projets surdimensionnés

Le Monde.fr | 

 

Depuis plusieurs semaines, la contestation monte contre la construction d'un nouveau barrage dans le Tarn. Celle-ci a culminé samedi 25 octobre lors d'une grande manifestation d'opposition au projet, à l'issue de laquelle un jeune homme a trouvé la mort dans des circonstances encore floues. Sa famille a annoncé qu'elle porterait plainte pour homicide volontaire. Un rapport d'expertise commandé par le gouvernement et remis lundi 27 octobre critique pour sa part les dimensions du projet et la façon dont il a été mené. Tour d'horizon des questions que pose ce chantier.

  • Pourquoi un barrage doit-il être construit ?

Le conseil général du Tarn souhaite créer une retenue d'eau artificielle d'une capacité de stockage de 1,5 million de mètres cubes sur le cours du Tescou, un petite rivière affluente du Tarn, sur la commune de Lisle-sur-Tarn. Objectif de cet aménagement : alimenter des agriculteurs en aval pour 70 % et soutenir le débit du Tescou en été pour 30 %.

La hauteur maximale de la digue qui serait construite en travers de la rivière serait de 12,8 mètres et sa longueur de 315 mètres. La mise en eau est programmée pour l'hiver 2015-2016.

 

Coût total du projet : 8,5 millions d'euros, un coût élevé, qui s'explique notamment par la création d'une nouvelle zone humide censée compenser la disparition des zones humides existantes.

 

  • Pourquoi ce projet est-il contesté ?

L'ouvrage doit faire disparaître 13 hectares de zones humides. « On y observe une quinzaine d'habitats différents », note le rapport d'expertise remis le 27 octobre au ministère de l'environnement. « Cette zone n'a pas les qualités requises pour faire partie du réseau Natura 2000, tempère-t-il aussitôt. Son niveau d'intérêt est départemental, mais il n'est nullement exceptionnel. » 

Les opposants dénoncent un projet coûteux destiné, selon eux, à un petit nombre d'exploitants pratiquant une agriculture intensive. Ils estiment que la retenue d'eau bénéficierait à 19 exploitations agricoles, et non 81, comme le soutient la chambre d'agriculture du Tarn.

Sur son site, le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, qui regroupe les opposants au projet, résume ses arguments :

« C'est un projet inadapté, dont le coût environnemental et financier est très élevé, au profit de pratiques agricoles qui sont une impasse pour les agriculteurs comme pour la société dans son ensemble. » 

Les heurts et les rassemblements se multiplient aux alentours du chantier depuis le début des travaux de déboisement le 1er septembre. Au moins 150 à 200 gendarmes mobiles stationnent quotidiennement sur le site depuis cette date.

  • Quels sont les arguments du conseil général ?

 Thierry Carcenac (PS), président du conseil général depuis 1991, élu sénateur fin septembre, a récemment justifié sa démarche au Monde :

« Il y a eu une enquête publique [où une majorité d'avis défavorables s'est exprimée], les conseillers généraux ont voté pour et les recours examinés jusqu'à présent par les juridictions compétentes ont permis de débuter les travaux en toute légalité. »

L'élu fait valoir un autre argument :

« Avec ce barrage, les agriculteurs devront s'acquitter des volumes consommés, ils ne pomperont plus sans payer. »
  • Qui sont les opposants au projet ? 

Le projet fait de plus en plus figure de « Notre-Dame-des-Landes du Sud-Ouest », en référence au site de Loire-Atlantique où une importante mobilisation a provoqué le gel en 2012 de la construction d'un nouvel aéroport.

Plusieurs associations de défense de l'environnement sont réunies depuis 2011 dans le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet.  Elles bénéficient du renfort de la Confédération paysanne.

A leurs côtés figurent des « zadistes », installés pour certains depuis un an pour pour protéger la « zone à défendre » du Tarn.

Lors de la manifestation au cours de laquelle un manifestant a trouvé la mort, dans la nuit de samedi à dimanche, les policiers ont fait état de la présence de « 100 à 150 anarchistes encagoulés et tout de noir vêtus », qui ont « jeté des engins incendiaires » et autres projectiles aux forces de l'ordre encadrant la mobilisation.

Lire aussi : Barrage de Sivens : des dizaines de manifestations contre les « violences policières »

  • Que dit le rapport d'experts sur le projet ? 

Une expertise indépendante rédigée par deux ingénieurs des ponts, eaux et forêts, est remise lundi 27 octobre au ministère de l'écologie. Son contenu, très critique, a déjà été en grande partie dévoilé dimanche 26 octobre.

Le rapport critique une évaluation « contestable » des besoins « réels »d'irrigation. Il évoque  « une surestimation du volume de substitution destiné à l'irrigation d'au moins 35 % ». Un surdimensionnement qui s'explique par une estimation des besoins établie « sur des données anciennes et forfaitaires ».

« Le choix d'un barrage en travers de la vallée a été privilégié sans réelle analyse des solutions alternatives possibles », une situation d'autant « plus regrettable que le coût d'investissement rapporté au volume stocké est élevé », note également le rapport. Il qualifie en outre l'étude d'impact de « qualité très moyenne » et juge le financement du projet « fragile ».

Pour autant, les deux ingénieurs jugent « difficile » d'arrêter le chantier, « compte tenu de l'état d'avancement des travaux et des engagements locaux et régionaux pris avec la profession agricole », et ils proposent d'améliorer le projet sur plusieurs points.

>> Regarder le visuel interactif : Tour de France des « grands projets inutiles »