Un concert d'indignation a suivi, en France, l'annonce par la Commission européenne, le 14 février, que les poissons d'élevage pourraient à nouveau être nourris avec des farines de porcs et de volailles à compter du 1er juin. Ce moded'alimentation avait été totalement interdit dans l'Union européenne en 2001, après cinq années de crise de la "vache folle" due à une épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).
Le gouvernement a rapidement pris ses distances avec cette décision, rappelant que la France avait voté contre son adoption au mois de juillet 2012. C'est une mesure qui "tombe mal", a estimé dès vendredi 15 février le ministre français de l'agroalimentaire, Guillaume Garot.
La ministre de l'écologie, Delphine Batho, a appelé, dimanche 17 février, à la création d'un label "sans farine animale" pour informer les consommateurs, estimant que "ce n'est pas dans la logique de la chaîne alimentaire que de donnerde la viande à manger à des poissons". Pour Mme Batho, "c'est la même logique d'absurdité financière" que pour la viande de cheval. "Il est très important que la filière piscicole française s'organise pour qu'il y ait un label "sans farine animale" qui puisse faire son apparition sur les étalages, pour dire aux consommateurs français : le poisson que vous achetez n'a pas été nourri avec de la viande."
UNE "TRIPLE ERREUR"
Le ministre français de l'agriculture, Stéphane Le Foll, a abondé dans son sens."On va s'organiser", a-t-il assuré lors de l'émission radio-télévisée "Le Grand Jury" sur RTL et LCI. "Sans remettre en cause la décision européenne, la France peut très bien faire en sorte, avec un label, qu'on n'utilise pas" les farines animales, a expliqué le ministre.
Lundi 18 février, c'est le président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, Jean-Paul Chanteguet (PS), qui s'est élevé contre la décision de Bruxelles, la qualifiant de "triple erreur" : "sanitaire", "environnementale" et "éthique". D'un point de vue "environnemental", cet élu de l'Indre a souligné que "ce n'est pas en nourrissant les poissons avec des volailles et des porcs – ce qui ne s'observe à aucun moment ni à aucun endroit de la chaîne alimentaire de notre planète – que l'on résoudra le problème" consistant àtrouver des substituts aux farines de poissons actuellement utilisées.
De son côté, la première organisation agricole, la FNSEA, s'est dite hostile à la réintroduction des farines animales dans l'alimentation des poissons d'élevage si elle n'est pas très encadrée. "Nous ne sommes pas favorables à un retour, comme ça, sans condition ; il faudra vraiment expertiser de manière très, très précise", a déclaré son président, Xavier Beulin mardi 19 février sur France Info, rappelant que l'alimentation des animaux d'élevage par farine animale, à l'origine du scandale de la vache folle, avait provoqué en 1996 un "traumatisme qui a beaucoup marqué nos concitoyens, à juste titre". "Il faudra mettre là toute la prudence nécessaire (...), tous les contrôles", a souligné M. Beulin.
"CONTREPRODUCTIVE ET INOPPORTUNE"
Plus virulente, la Confédération de la boucherie "s'indigne" de cette décision. "Une fois de plus, Bruxelles cède aux pressions de l'industrie agroalimentaire. Cette même industrie qui n'hésite pas à frauder pour augmenter ses profits et ainsibafouer la confiance du consommateur", dénonce son président, Christan Le Lann.
Même tonalité chez les associations de consommateurs. CLCV dénonce une mesure "contreproductive et inopportune", alors que "la confiance des consommateurs est au plus bas". "Nous maintenons que ces matières premières, interdites suite à la crise de la vache folle, auraient dû le rester", écrit l'association dans un communiqué, rappelant que Bruxelles souhaite à terme étendre cette autorisation aux élevages de porcs et de volailles. "L'urgence n'est pas d'alléger les mesures de sécurité sanitaire, mais d'examiner comment les renforcer", selon la CLCV, qui réclame "un audit global et transparent sur la traçabilité et les contrôles alimentaires en Europe afin d'en identifier les failles".
L'association Familles Rurales, opposée elle aussi à cette mesure, demande à ce que des contrôles soient automatiquement réalisés : "Il convient de veiller à l'impossibilité de nourrir des poissons d'élevage avec des protéines animales issues de ce même poisson d'élevage", estime-t-elle. Familles Rurales prône également la mise en place d'un étiquetage obligatoire "exhaustif et lisible"stipulant si le poisson a été nourri ou non avec ces farines.